La saison 2017-2018

Voilà une nouvelle rentrée pour le Café Littéraire ; d’emblée, remercions l’équipe de la Médiathèque de St Pierre qui nous accueille sans faiblir.

Lundi 16 octobre : en lien avec le Festival Vision d’Afrique et aussitôt après sa conférence à l’UTL, Femmes Tunisiennes d’hier à aujourd’hui, Sophie Bessis viendra nous parler notamment de son ouvrage Les Valeureuses qui retrace les vies hors norme de cinq Tunisiennes, de l’Antiquité au monde moderne (Édition Elyzad, Tunis, 2017). Nous aurons probablement l’occasion d’aller plus avant à propos de littérature tunisienne.

La parole aux libraires

Lydie nous promet d’ores et déjà moult réjouissances littéraires à venir. Entre autres rencontres annoncées à la librairie, Kaouther Adimi le 3 novembre pour son roman Nos Richesses (Seuil, 2017) et le 25 novembre, Craig Johnson, un auteur Gallmeister.

S’il fallait ne retenir qu’un seul titre de cette rentrée littéraire qui affiche 581 romans, pour Lydie, ce serait L’Art de Perdre de Alice Zeniter (Flammarion).

Lectures à partager

Parmi les lectures de l’été et/ou celles de la rentrée, voici quelques suggestions des participants qui illustrent, si besoin était, une insatiable curiosité :

Une seconde Vie de François Jullien (Grasset, 2017), une quête philosophique à l’encontre de toute résignation  ;

L’érotisme au Moyen Age de Arnaud de la Croix (Taillandier, 2013), un essai érudit qui offre un regard original sur une époque à découvrir (ou redécouvrir) ;

Le Déjeuner des Barricades de Pauline Dreyfus (Fasquelle, 2017) pour vivre une folle journée de mai 68 en compagnie d’écrivains et autres célébrités ;

Chantal Thomas pour Souvenirs de la marée basse (Seuil, 2017) parce qu’on y parle de la mer, et de sa mère, et d’Arcachon et du plaisir de nager ;

Kamel Daoud pour Zabor ou Les Psaumes (Actes Sud, 2017), un étrange roman complexe et envoûtant ;

En Quête de l’Étranger, essai passionnant de l’américaine Alice Kaplan, qui tisse le fil de Camus à Daoud (Gallimard, 2017) ;

Et si on parlait de l’immense Margaret Atwood, non pas seulement de son dernier roman, C’est le cœur qui lâche en dernier (Robert Laffont, 2017) mais aussi de La Servante Écarlate et de tous les autres ;

On a retrouvé Marie Hélène Lafon avec Nos Vies (Buchet Chastel, 2017) même si elle nous emmène bien loin de son cher Cantal pour faire vivre les humbles au Franprix de son quartier parisien ;

On a tous envie de lire Marx et la Poupée de Maryam Madjidi, Goncourt du premier roman (Le Nouvel Attila, 2017), « un petit bijou perse», largement autobiographique ;

Et pourquoi pas le dernier roman de Marie Darrieussecq, Notre Vie dans les Forêts (POL, 2017)…

Bien sûr, on déguste encore le plaisir qu’on a eu à écouter David Vann parler de son roman Aquarium dans le fantastique décor de l’Aquarium de La Rochelle!

On poursuivra ces impressions de lecture au plus tôt… parce qu’il nous faut parler de :

Flaubert, L’Éducation Sentimentale

Anny justifie ce choix de lecture ou relecture, un pavé de près de 500 pages, que Flaubert a mis un lustre à terminer ! C’est le livre préféré de Josyane Savigneau (dixit lors de Cita’Livres 2017) et celui de Woody Allen (qui a peut-être reconnu en Frédéric un raté admirable).

Anny situe Flaubert et L’Éducation Sentimentale par rapport aux écrivains et romans de la même veine qui l’ont précédé, (Stendhal avec le Rouge et Le Noir, Balzac avec Le Lys dans La Vallée), et ceux qui l’ont suivi, Zola, Maupassant.

Quelques repères biographiques, origine provinciale, études de droit, vie amoureuse, mélancolie, et tout ce qui constitue « la triste plaisanterie de l’existence », éclairent les similitudes entre l’auteur et Frédéric Moreau, son personnage. La plus importante est sans doute l’amour de Flaubert pour Madame Schlesinger, soit 35 ans de séduction, depuis une première rencontre lorsque Gustave a à peine quinze ans et Elisa, vingt six. Et la comparaison ne s’arrête pas là…

Pour bon nombre d’entre nous, cette lecture a été l’occasion de retrouver, avec plaisir ou réticence, c’est selon, l’histoire de la Révolution de 1848. En effet, comme le titre ne le dit pas, il s’agit autant d’une histoire d’amours que de la chronique sociale et politique d’une époque qui va de 1840 à 1867. Flaubert, comme les écrivains réalistes de son temps, a le souci de l’exactitude. Alors qu’il avait dit vouloir écrire un livre sur rien, après le procès pour outrage à la morale publique qu’avait provoqué Madame Bovary, pour l’Éducation Sentimentale, il se documente sur la ville de Paris, les théoriciens socialistes, les pionniers de 1848, les us et coutumes des salons mondains, les maladies, les moyens de locomotion, bref tout ce qui donne au final une tonalité si vraie au parcours de ce Frédéric provincial et parisien, amateur d’arts et près de ses sous. On lit à haute voix de courts passages qui illustrent quelques facettes du talent d’écriture flaubertien : violence des comportements révolutionnaires, extrême brutalité de la répression en juin 48, ambigüité des déclarations politiques de tous bords, complexité des relations humaines dès lors qu’il s’agit d’opter pour une cause ou de préserver un avantage individuel, etc. Certes, il arrive qu’on se perde dans la multiplicité des personnages et des événements.

La discussion s’échauffe lorsqu’il s’agit de croquer nos lectures de Frédéric ! Velléitaire, lâche, inconstant, mou, minable, égocentré, pour les uns/unes, romanesque, épris d’un idéal d’amour avec un grand A pour les autres, naïf et sincère, capable d’autodérision et de lucidité, ambivalent et insaisissable, cynique et calculateur, ambitieux et malchanceux, arriviste certainement, mélancolique probablement, et pour le moins désenchanté, bref un portrait subtil qu’on n’a pas fini de commenter …

On aurait encore tant à dire à propos de Frédéric et « ses » femmes ? Marie Arnoux, la femme modèle, belle, épouse et mère, fidèle, séduite et séductrice, qui apparaît, réapparait, disparaît, depuis le fameux « Ce fut comme une apparition » jusqu’au « Et ce fut tout » qui clôt l’ultime rencontre avec son amoureux transi. Et la maîtresse Rosanette, la catin fantasque, et madame Dambreuse, la grande bourgeoise qui éclate de joie à la mort de son mari, et bien sûr la jeune Louise que Frédéric aurait pu épouser si elle ne l’avait devancé en faisant affaire avec l’ami Dussardier…

Si L’Éducation Sentimentale a demandé à Flaubert tant de ratures et de refontes au point d’avouer « mon bouquin est fini, la tête me pète », ce fameux roman a été un excellent prétexte pour partager une nouvelle fois la diversité de nos approches et de nos interprétations.

Compte-rendu du Café Littéraire du 26 septembre 2017