Agenda

La séance du 13 décembre sera dédiée à Annie Ernaux, lauréate du Nobel de littérature 2022. Au gré des interventions, on pourra présenter un de ses livres, lire un extrait, apprécier son mode d’écriture plate, évoquer un de ses thèmes de prédilection, voire commenter son discours de réception à Stockholm, le 11 décembre.

On a lu, on lira

On partage quelques réflexions sur les prix littéraires de l’automne : Emmanuelle Bayamack-Tam, Brigitte Giraud, Claudie Hunzinger, Lola Lafon, et aussi Andréï Kourkov ou Simon Liberati, etc., de quoi alimenter la lettre au père Noël.

Et d’autres agréables découvertes :

François Cheng, Une longue route pour m’unir au chant français, Albin Michel, 2022

Colette Fellous, Le petit Foulard de Marguerite D., Gallimard, 2022

Valentine Goby, L’Ile Haute, Actes Sud, 2022

Gaëlle Josse, La Nuit des Pères, 2022

Éric Fouassier, Le Bureau des Affaires Occultes, Albin Michel, (Livre de Poche), 2021

Maggie O’Farrell, Hamnet, Belfond, (10/18), 2021

Olivier Adam, Les Lisières, Flammarion, (J’ai Lu), 2012

Chien 51

C’est le 13ème roman de Laurent Gaudé, auteur prolifique. Outre les romans comme La Mort du Roi Tsongor, Le Soleil des Scorta, Eldorado, La Porte des Enfers, Ouragan …, son œuvre se décline en pièces de théâtre, livrets d’opéra, nouvelles, documentaires, reportages, poèmes. Gaudé dit ne rien s’interdire. Avec Chien 51, il se risque en effet dans la veine du policier et de l’anticipation et affirme y avoir pris un immense plaisir.

Ce roman, souvent qualifié de sombre, tragique, se construit en effet sur la trame d’un policier : deux cadavres, deux flics, deux hommes politiques en campagne électorale, des siffleurs, des retournements de situation, du violent et du sanglant, bref, le suspense est bien au rendez-vous !

Quant à l’anticipation, Gaudé s’en est naturellement emparé. L’idée d’une ville futuriste, avec drones anti-émeute et systèmes de reconnaissance faciale, avec ses checkpoints et technologies de surveillance, s’est déployée durant la pandémie, « Avec la COVID on a vécu la SF ; on a traversé la SF ; j’ai repris les questions posées par cet épisode mondial ». Et la trame imaginaire, l’exode des Grecs vers la ville de Magnapole régentée par la multinationale Goldtex, fait écho à la crise de la dette grecque de 2012, à la perspective d’un pays en faillite vendu au plus offrant.

Certes, on ne peut s’empêcher de lire derrière les descriptions de Magnapole les maux et dérives potentielles de notre aujourd’hui : technologies invasives, ultralibéralisme, société à plusieurs vitesses, contrôles outranciers, dérèglement climatique, etc. Si Gaudé s’en amuse parfois (le logiciel associé au frigo dysfonctionne, le LoveDay est propre à libérer les plus coincés, la montre connectée annonce un inacceptable reste-à-vivre), il semble nous livrer une inquiétante peinture de notre ordinaire contemporain, avec ses injustices sociales ou ses rêves d’éternité réservée aux plus riches. L’auteur ne joue pas la Pythie. Si la vie du cilarié de Magnapole fait craindre le pire, c’est, dit Gaudé, « dans le but de questionner, d’alerter sur ce que nous voulons pour les générations à venir. /…/ Le livre, parce que c’est un roman, parce qu’il est dans le genre de l’anticipation, montre des choses de manière peut-être plus spectaculaire, plus effrayante que dans la réalité. Mais en fait nous y sommes. Elles sont peut-être simplement plus diffuses ».

La lecture de Chien 51 génère moult débats : un univers désespérant ? Une terrifiante dystopie ? Un scénario pessimiste ? L’histoire désenchantée d’un héros fatigué et nostalgique ? L’importance de transmettre la connaissance du monde ancien, comme le laisse entendre le tandem Zem Sparak – Salia Malberg, parce que l’homme ne peut vivre sans mémoire ni racines ? La lecture de divers passages témoigne, si besoin était, de la richesse et de la complexité du propos. D’aucuns y reviendront !

On ne peut lire Gaudé sans accorder une attention particulière à son attachement à la mythologie grecque. La dédicace, comme le chapitre 35, « il ne faut pas oublier Delphes », ou encore le dernier chapitre, Ithaque, nous offrent sans doute une note d’espoir « après une longue errance qui l’a contraint à traverser des mondes violents, il est enfin de retour ».

On a à peine eu le temps de vanter la belle écriture de Gaudé …

Café littéraire du 8 novembre 2022 : Chien 51 de Laurent Gaudé