Le mardi 9 février 2016, nous lirons le romancier anglais Ian Mc Iwan, plus spécifiquement son dernier roman, L’Intérêt de l’Enfant (Gallimard, 2015) et Sur la Plage de Chesil (Folio, 2010).

 

Quelques éléments pour les séances suivantes :

  • Le 8 mars, Catherine Missonnier, écrivain un tant soit peu «oléronnaise» (dixit Aline), et auteur de nombreux ouvrages pour la jeunesse, viendra nous parler de son essai Une lignée de femmes (L’Harmattan, 2015).

  • Nous nous réjouissons à l’avance d’accueillir Marie Hélène Lafon, le samedi 14 mai.

 

Quelques mots sur l’actualité littéraire de janvier 2016 :

  • sur le festival de la BD d’Angoulême et la sélection d’abord exclusivement masculine des auteurs nominés ;

  • sur les 476 romans de cette rentrée littéraire ! On cite Edouard Louis (Histoire de la violence, Seuil), Philippe Claudel (L’Arbre du pays Toraja, Stock), Jean Echenoz (Envoyée spéciale, Minuit), Kéthévane Davrichewy (L’Autre Joseph, Sabine Wespieser), Olivier Rolin (Veracruz, Verdier), Murakami, etc.

La séance porte sur Colette, et la lecture de La Retraite Sentimentale et de Sido. Nous faisons référence au Hors-Série du Monde (septembre 2015) « Colette, L’Affranchie », ainsi qu’au site Les Amis de Colette qui offre, entre autres trésors, moult photos (http://www.amisdecolette.fr/) et témoigne du goût de Colette pour « la mise en scène de soi ».

 

Nous apprécions tout particulièrement la présentation synthétique de la vie et de l’œuvre de Gabrielle Sidonie Colette que nous propose Anny. En effet, ce n’est pas une mince affaire de rendre compte d’une existence à la fois si longue (1873-1954), si riche d’engagements (la dame fut la plume de son premier mari, journaliste pour Le Matin, Le Figaro ou Marie-Claire, ou encore présidente de l’Académie Goncourt), si originale dans ses activités artistiques (pantomime, actrice, danseuse nue, mélomane), si curieuse et avide de jouir de tout qu’elle a jonglé avec ses prénoms et ses doubles, si libre dans sa vie personnelle et sentimentale (pas moins de trois mariages ; et que dire de ses liaisons sinon qu’elles ont été à la hauteur de sa formule « Changer n’est pas être infidèle puisque je n’aime et ne comble en vérité que moi-même » La Retraite Sentimentale p. 41 ), et surtout si prolixe en écriture (quatre volumes dans La Pléiade, des dizaines de romans, des centaines d’articles et une abondante correspondance) ; bref, une « œuvre cathédrale » qui n’a pas fini d’être revisitée.

En lisant ou relisant Colette, on a pu apprécier tout à la fois le caractère délicieusement désuet, voire daté, de ce travail d’orfèvre en mots, et l’étonnante modernité de ce qui nous semble être « de la littérature » ! Colette est pour certains d’entre nous le souvenir des Claudine, ou les superbes évocations de la nature («étés réverbérés par le gravier jaune et chaud, étés traversant le jonc tressé de mes grands chapeaux, étés presque sans nuits » Sido, p. 38 ), ou les postures de chats («A l’heure des lampes, elle exulte, déchire des journaux, vole des pelotons, chausse d’invisibles sabots et mène un galop de poulain qui la lance au milieu de la table, elle rape la joue avec une langue en brosse à dents et se sert de ma tête comme d’une passerelle pour sauter sur la cheminée » La Retraite Sentimentale p. 50 ). D’aucuns ont goûté la subtilité de son lexique et de son savoir-dire les lieux, les gens, les émotions, les anecdotes. On ne se lasse pas de piocher ici ou là quelque exemple de l’acuité des portraits : « Elle s’habille et se coiffe d’une manière incohérente qui va du canotier Rat-mort à l’extravagance la plus empanachée. Car ses ancêtres lui ont légué le goût invétéré de la plume derrière l’oreille à défaut de l’anneau dans la narine /…/ Suzie gourmande de flirt, de caresses risquées sous une nappe retombante, Suzie au carnet de rendez-vous plus chargé que celui d’un dentiste /…/ Apprenez-lui à se taire, elle approchera mieux de la perfection ». La Retraite Sentimentale (p. 175). D’autres ont vanté la qualité de sa plume, sensuelle et épicurienne, complexe et nuancée, au point d’en remiser de facto les Angot et autre De Vigan. D’autres enfin déplorent que les lycéens d’aujourd’hui ne s’y confrontent plus guère tant le lexique et le phrasé (et non le propos) semblent parfois éloignés de leur univers : «Le peu qu’elle goûtait de Paris l’approvisionnait pour le reste du temps. Elle revenait chez nous lourde de chocolat en barre, de denrées exotiques et d’étoffes en coupons/…/ elle rapportait un manteau modeste, des bas d’usage, des gants très chers /…/ Elle n’a jamais su qu’à chaque retour l’odeur de sa pelisse en ventre-de-gris, pénétré d’un parfum châtain clair, féminin, chaste, éloigné des basses séductions axillaires, m’ôtait la parole et jusqu’à l’effusion » écrit-elle en observant sa mère (Sido, p. 32).

 

Pourtant, ce qui surgit de nos relectures et de nos échanges, c’est la justesse et l’intérêt de ce qu’on nommerait aujourd’hui une autofiction. Libre-penseur, féministe avant l’heure, Colette excelle à nous rapporter avec une audacieuse sincérité ce qui donne saveur à sa vie, à la vie.

 

Laissons la conclusion à Colette : « L’heure de la fin des découvertes ne sonne jamais. Le monde m’est nouveau à mon réveil chaque matin et je ne cesserai d’éclore que pour cesser de vivre. » (in Josyane Savigneau. La leçon de vie et d’écriture de Colette. Le Monde. 8 sept 2015)

Compte-rendu du Café Littéraire du 12 janvier 2016