Notre prochaine réunion est fixée au mardi 9 juin à 18h.

Cette dernière séance aura lieu au News Café, à St Pierre d’Oléron, autour du verre de l’amitié. Ceux qui souhaitent prolonger la soirée (possibilité de dîner léger sur place) voudront bien s’inscrire auprès de Gérard Ferrand (avant le 1 juin) de façon à ce qu’il puisse prévenir le Café qui nous accueille.

Nous avons exprimé notre envie d’aborder La Nouvelle. Pour clore cette année de lectures partagées, nous proposons que chacun apporte avec soi un recueil de nouvelles dans lequel il/elle a préalablement choisi sa nouvelle préférée. Il/elle en a copié le titre et le nom de l’auteur sur une feuille de papier qui sera déposée dans un chapeau. Un tirage au sort, par une main innocente bien sûr, désignera les lecteurs qui disposeront chacun de 5 minutes (maximum) pour en lire le début, ou la fin, ou le passage le plus croquant, ou le paragraphe le plus significatif.

Remarque : chaque lecteur peut faire plusieurs propositions !

Peu d’actualités pour cette séance du 12 mai : Kamel Daoud a reçu le prix Goncourt du Premier roman pour Meursault, contre-enquête (Actes Sud) et Patrice Franceschi, le Prix Goncourt de la nouvelle pour Première personne du singulier (Points).

Jean Pierre L. et Michel P. partagent avec nous quelques points de conclusion sur Cita’Livres, 4ème édition du Salon du Livre du Château d’Oléron (25-26 avril 2015). On a fort apprécié les entretiens conduits par Josyane Savigneau avec Michel Bernard pour Les Forêts de Ravel (La Table Ronde, 2015), avec Hervé Hamon pour son roman Pour l’Amour du Capitaine (Seuil, 2015), et avec Lionel Duroy pour Echapper (Julliard, 2015) qui invite à découvrir le peintre Emil Nolde, qui inspira La Leçon d’allemand, magnifique roman de Siegfried Lenz.

On regrette qu’Ingrid Desjours, auteur de thrillers psychologiques, ait dû annuler sa participation ; plusieurs membres du Café Littéraire en recommandent la lecture.

Le salon Cita’Livres devrait, en 2016, retrouver le cadre plus propice de La Citadelle; souhaitons que le cru littéraire continue à se bonifier !

Nous avons retenu deux romans à lire en parallèle, récemment parus, écrits par des femmes, toutes deux issues du monde rural, évoquant chacune à leur manière le déclin du monde paysan.

Valérie nous a fait découvrir un de ses « coups de cœur » de libraire, Stéphanie Chaillou, originaire de Vendée, d’abord professeur de philosophie, maintenant rédactrice au Centre Pompidou à Paris. Chaillou a volontiers répondu aux questions de ses lecteurs oléronais lors de la rencontre dédicace, le 25 avril, au News Café.

Après la publication de trois recueils de poèmes, L’Homme Incertain (Alma, 2015) est son premier roman. Aucun doute, le propos est largement autobiographique, même si, comme elle l’écrit à la dernière page, elle s’emploie à « corriger le réel, sa finitude, sa cruauté.». Le roman est composé de courts chapitres, tous bâtis sur le même modèle : un JE en forme de litanie, une à deux pages pour donner voix au père, celui qui s’est tu toute sa vie, l’homme simple, l’homme empêché, le fils de paysan qui a « fait des études de technicien agricole » avant d’acheter une ferme, et de faire faillite ; un JE désespéré, une apnée intérieure, auquel fait écho le ON du chœur des enfants, comme imperméables aux souffrances des adultes, deux ou trois lignes énumératives qui suggèrent une vie à la campagne, faite de petits riens « il y avait des vaches, des étangs, ça sentait l’herbe… ». S. Chaillou s’emploie à reconstituer la chute de l’homme, son propre père, qui avait cru que « Tout était simple. Que les choses, il suffisait de les faire », qui croyait aux valeurs du travail, qui n’a pas vu venir la PAC, la machine du progrès et les mutations du monde paysan.

Les appréciations du groupe sont très partagées. D’aucuns ont goûté le rythme, la finesse de l’écriture, la justesse des sentiments, la véracité des attitudes. D’aucuns ont trouvé bien artificiels les procédés d’écriture, même si un tel roman est le témoin d’une époque tout comme les films de R. Depardon (Les Paysans, La vie Moderne) ou tel autre documentaire plus récent sur le déclin de la petite agriculture paysanne (voir par exemple Dans le silence des campagnes, un film de Jean-Louis Saporito, 2013, en ligne sur https://www.youtube.com/watch?v=z6T3QsMdH34).

Reste une question clé : l’écrivain a-t-il le droit de tout dire notamment lorsque son œuvre pourrait porter atteinte, quelle qu’en soit la raison, à l’intimité des personnages qu’il met en scène ? Chaillou dit que son père a refusé de lire son livre, sa mère l’a lu mais n’a pas apprécié. Chaillou a transgressé le tabou, elle a mis à jour les secrets de famille. Certes, le roman ne nomme personne, les dates, les lieux restent imprécis ; mais il trace le terrible échec là où peut-être le temps aurait pu l’effacer : « Oui, c’est bien fini tout ça. Cette histoire de la ferme. Ce temps-là n’existe plus. Il n’y a plus rien à déterrer.»

Discussions vives sur ce droit que s’attribue l’écrivain de livrer les secrets de famille, de ne se donner aucune limite et d’en assumer les conséquences. On revient à Emmanuel Carrère (voir le CR du 14 avril) ou encore à Lionel Duroy qui lors de son entretien avec J. Savigneau a solidement revendiqué sa fondamentale liberté d’aller jusqu’où bon lui semble dans l’évocation de sa vie privée (et par conséquent de celle de ses proches).

Une position que partage Marie-Hélène Lafon, dans un entretien avec la romancière Mercedes Deambrosis (http://www.encres-vagabondes.com/rencontre/deambrosis.htm). Hélène C. présente Joseph de Marie-Hélène Lafon (Buchet Chastel, 2014), de façon particulièrement agréable, en lisant de très courts extraits pour en souligner les qualités. Inspirée notamment par les lectures de Flaubert, Calaferte, Jean Genet ou encore Pierre Michon, auteur de Vies Minuscules, Lafon nous charme par la densité et l’élégance de son écriture, par son art de faire vivre un Joseph, valet de ferme, ancré dans le sol, « qui trouvait plus ou moins à se louer pour des journées ». Le récit, qui suit l’itinéraire vagabond des souvenirs de Joseph, plutôt qu’une chronologie, trace une vie de dur labeur, de solitude, de ruptures successives, et bien sûr de « cuites » auxquelles une psychologue aux « yeux luisants comme des marrons neufs quand ils sortent de la bogue » saura mettre fin. Le ton est si juste, les faits si parfaitement vraisemblables que, même s’il se situe dans le Cantal de M H Lafon, il pourrait être celui de paysans oléronais d’hier, voire d’aujourd’hui. Certes le récit est sombre, comme la réalité qu’elle peint, mais Lafon nous séduit.

Compte-rendu du café littéraire du 12 mai 2015