Rappel pour les prochaines séances

Le 7 mars à 18h à la médiathèque de Saint-Pierre d’Oléron, nous recevrons Sophie Chauveau pour son récit La Fabrique des Pervers (Gallimard, 2016). Nous pourrons également évoquer avec elle ses biographies de peintres, Boticelli, Vinci, Fragonard, Manet (Folio).

Les 5, 6, 7 avril, nous participerons aux rencontres avec les auteurs invités à la Médiathèque de St Pierre dans le cadre de Cita’Livres, Pierre Assouline, Lionel Duroy et Marcus Malte (à confirmer).

Lectures à partager

On passe de mains en mains Notre Histoire (Seuil, 2017), le magnifique récit illustré du chinois Rao Pingru, invité d’honneur au dernier festival d’Angoulême. Un ouvrage exceptionnel tant par la beauté de l’objet livre et de son contenu que par l’attachante personnalité de ce jeune auteur nonagénaire !

Gérard a lu le dernier François Cheng, De l’Ame (Albin Michel, 2016), un petit ouvrage dense qui se présente comme une suite de lettres à une amie et nous invite à cheminer avec lui.

Anny nous recommande Fanny Z de Josèphe Viallard (Les Ardents, 2017) : « Entre le chaos actuel du Moyen-Orient et les temps plus que troubles de l’Occupation, deux époques, deux lieux, deux personnages entrent en résonance». Nous aurons probablement le plaisir d’accueillir l’auteur au Café Littéraire.

Non sans lien avec notre lecture du jour, Catherine signale la sortie en Livre de Poche de La Porte, de Magda Szabo, prix Femina Etranger en 2003, l’histoire d’Emerence, une femme de ménage qui étrangement va prend le pouvoir…

La parole aux libraires

Dans la Forêt de J. Hegland (Gallmeister, 2017), No Home de Yaa Gyasi (Calmann Levy, 2017), l’histoire de deux demi-sœurs au Ghana depuis l’époque du commerce triangulaire au XVIIIe siècle, voilà des titres que nous recommande Lydie ; mais son attirance va vers Des Âmes simples (Ed. Des Equateurs, 2017), premier roman de Pierre Adrian.

Chanson Douce, Prix Goncourt 2016

Leïla Slimani a obtenu le Goncourt 2016, l’occasion pour nous d’évoquer Jules et Edmond de Goncourt, collectionneurs et grands amateurs d’art. Ils avaient aménagé chez eux un Grenier destiné à accueillir « la parlotte littéraire du dimanche » pour les amis de la littérature, parmi lesquels les «dix hommes de lettres de talent» qui vont former la première Académie. Ces écrivains (Flaubert, Zola, Fromentin, Daudet…) s’apparentent à l’école naturaliste et défendent le principe selon lequel « les romanciers sont des raconteurs du présent.» Dans son testament, Edmond de Goncourt précise « le prix est destiné à un ouvrage d’imagination en prose paru dans l’année».

Si en 1903, le montant du 1er Goncourt attribué était de 5000 F., en 2017, le 114ème est de 10 €. Ajoutons que sur 114 primés, figurent 14 femmes.
Leïla Slimani, journaliste et auteur de 36 ans, a eu maintes fois l’occasion, depuis le diner chez Drouant, de confier aux médias sa conception de l’écriture, sensible dès son premier roman, Le Jardin de l’Ogre (Folio, 2014). La parution du recueil Le Diable est dans les détails (édition De l’Aube, 2016) qui rassemble ses articles parus dans la revue Le 1, et celle de Sexe et mensonges (Les Arènes, 2017), un essai à propos de la «misère sexuelle dans le Maghreb», confirment son audacieuse originalité et ses engagements : « Parce qu’elle est un immense espace de liberté, où l’on peut tout dire, où l’on peut côtoyer le mal, raconter l’horreur, s’affranchir des règles de la morale et de la bienséance, la littérature est plus que jamais nécessaire. Elle ramène de la complexité et de l’ambiguïté dans un monde qui les rejette. Elle peut ausculter, sans fard et sans complaisance, ce que nos sociétés produisent de plus laid, de plus dangereux et de plus infâme. Elle demande du temps dans un monde où tout est rapide, où l’image et l’émotion l’emportent sur l’analyse» peut-on lire dans Le Diable est dans les détails (p.22).

Le roman Chanson Douce

C’est peu de dire que ces quelques 220 pages, au titre de comptine à dormir, ont donné lieu à une séance de discussions passionnées.

D’aucuns ont eu beaucoup de mal à aller au-delà du premier chapitre de cette histoire « violente, cruelle, dérangeante » dont nous relisons les terrifiantes premières lignes à haute voix. Une écriture percutante, à vous glacer le sang. La reconstitution du double meurtre, évoquée dans la page finale du roman, est du même tonneau. D’aucuns expriment leur malaise persistant pendant et après la lecture de ce qui pourrait s’apparenter à la narration distillée d’un horrible fait divers, celui, bien réel, dont Leïla Slimani dit s’être inspiré.

D’autres encore ont lu une première fois, comme happés par le scénario. En effet, même si le dénouement figure dès la première ligne, il s’agit au fil des chapitres de remonter le cours du temps pour tenter de comprendre comment et pourquoi on en est arrivé là, pourquoi on a laissé s’accomplir l’impensable. Une seconde lecture, -celle qui offre le loisir de repérer les détails, de relier les indices, d’aller au-delà de la férocité des mots pour échafauder pas à pas ce que l’auteur laisserait à entendre -, révèle alors toute la densité des portraits, toute la complexité des situations, toute la subtilité des relations entre les protagonistes et, bien sûr, le ténébreux talent de Leïla Slimani qui, comme Louise la nounou, excelle à raconter des histoires : « mais dans quel lac noir, dans quelle forêt profonde est-elle allée pêcher ces contes cruels où les gentils meurent à la fin ? » (p. 39).

On s’interroge sur le vraisemblable ; on partage des réflexions sur la société contemporaine qui voit les femmes face à leur culpabilité dès lors qu’il s’agit de concilier une carrière professionnelle et la maternité, qui laisse proliférer la précarité et la misère sociale ; on repère les ressorts ambivalents de la relation maître-valet si souvent traitée dans la littérature ; on met bout à bout les indices d’une maladie mentale qui pourrait avoir entrainé Louise dans ce parcours insupportable ; on cite et on lit des extraits pour tenter d’argumenter moult interprétations.

Peut-être un consensus autour de la réponse que Leïla Slimani accordait à un journaliste à propos du personnage de la nounou ; « Je suis persuadée qu’on ne connaît jamais quelqu’un, même si on vit avec lui dans la plus grande intimité. Rien ne permet de résoudre le mystère de l’autre. Ce qui s’en approche peut-être le plus, c’est la littérature. Ça aurait été trop simple de dire qu’elle tuait les enfants parce qu’elle était humiliée socialement ! ».
C’est sûr, Chanson Douce ne nous a pas endormis…

Compte-rendu du Café Littéraire du 14 février 2017