La dernière séance de la saison, mardi 5 juillet, sera celle des lectures du groupe sur le thème Nature Writing.

Si le terme américain «Nature Writing» (écrire la nature) qualifie un genre littéraire en pleine expansion, en Europe, on emploie également l’expression «Littérature des grands espaces». Récit ou roman, les ouvrages sont largement autobiographiques. Dans les récits les plus emblématiques, l’auteur s’enfonce seul dans une nature grandiose, souvent hostile, et en ressort changé à jamais. En effet, ce type de parcours porte des réflexions philosophiques, à la manière de Henry David Thoreau considéré comme le fondateur du genre et le père de l’écologie politique.

La littérature des grands espaces couvre un domaine d’écriture relativement large. On y associe fréquemment le récit de voyage pour peu qu’il ait un caractère initiatique ou qu’il témoigne de la responsabilité éthique de l’homme envers l’environnement.

Dans ces romans et récits, il s’agit de rendre compte d’un mode de vie, au cœur de la nature qu’on aime, qu’on respecte et qu’on connaît ou qu’on cherche à mieux connaître ; il s’agit d’avancer intelligemment, de ne pas lésiner sur les efforts physiques et de savoir exploiter sa solidité mentale. Dans ces histoires de vie, la nature n’est pas un décor, elle marque le destin des individus qui vont à sa rencontre. La nature n’est pas un paradis qui s’opposerait à l’enfer urbain, ni un lieu utopique de retour aux sources, ni un éden qui consolerait de toutes les vicissitudes de la société contemporaine. C’est parfois un havre de paix propice à l’introspection, parfois aussi un espace infini dans lequel l’homme se mesure en affrontant les obstacles.
Déroulement de la séance

Nous proposons que chacun apporte un ouvrage apparenté au genre «nature writing». Il/elle en a copié le titre et le nom de l’auteur sur une feuille de papier qui sera déposée dans un chapeau. Un tirage au sort désignera les lecteurs qui disposeront chacun de 5 minutes (maximum) pour en lire le début, ou la fin, ou le passage le plus significatif.

Remarque : chaque lecteur peut faire plusieurs propositions !
* Des ouvrages correspondant à cette thématique sont d’ores et déjà disponibles à la Médiathèque de St Pierre.

 

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La rencontre du 7 juin avec Martine Storti, philosophe, journaliste, porte sur son dernier ouvrage, Sortir du manichéisme, des roses et du chocolat (Ed. Michel de Maule, 2016),

Les participants ont pu également en apprécier la teneur d’une part sur le blog de l’auteur http://martine-storti.fr/, d’autre part via divers articles en ligne, entre autres

Le Monde http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/03/02/l-emancipation-des-femmes-n-est-pas-un-enjeu-identitaire_4875223_3232.html

ou la Revue 50/50 http://www.50-50magazine.fr/2016/04/11/martine-storti-sortir-du-manicheisme/

ou Libération http://www.liberation.fr/debats/2016/04/05/se-mettre-du-cote-de-celles-qui-n-ont-pas-le-choix_1444178

ou encore Les Inrocks http://www.lesinrocks.com/2016/05/07/actualite/penser-termes-didentite-piege-11824188/
Anny nous présente brièvement l’auteur, son parcours professionnel pluriel, ses ouvrages, ses engagements dans l’éducation, la politique, la cause des femmes notamment, ainsi que les questions qui font que Martine Storti écrit et publie, débat et argumente, avec constance et conviction. Car il s’agit non seulement de raconter, de transmettre, de rendre des comptes, mais surtout de s’opposer à la résignation, à la bêtise, à l’indifférence, à la barbarie : «le totalitarisme n’est fort que dans la mesure où le civisme est faible ; il est fort des lâchetés individuelles… et demain s’il triomphe chez nous, sa puissance ne sera que la somme exacte de nos lâchetés particulières» écrit-elle, en 2008, dans Arrivée de mon père en France (p. 181). «Rien n’est donné, tout est combat», nous dit-elle lorsqu’on échange à propos de la cause des femmes.
Dans Sortir du Manichéisme, un essai en réaction aux discours et prises de position, de quelque bord que ce soit, qui ont suivi les attentats de janvier 2015, il s’agit de s’opposer aux approximations des discours médiatiques qui mettent inlassablement en avant le récit mensonger et manipulateur du déclin, du « c’était mieux avant », l’identitaire multiforme, qui ne saurait mener qu’au repli et à l’affrontement, ou encore l’injonction à donner raison par principe aux « dominés », à cautionner la vision unilatérale d’un Occident qui ne serait que colonialiste, impérialiste, raciste, coupable donc, mimétisme de ceux qui n’ont en tête que son innocence.

Il s’agit «de voir avec ses deux yeux». Pour Martine Storti, « l’écriture apparaît comme nécessaire pour sortir des visions simplificatrices qui conduisent à des impasses». L’écriture permet de dépasser les énoncés immédiats, péremptoires et réducteurs dont certains « penseurs » nous abreuvent, largement relayés par des publics complaisants ou anesthésiés par le trop plein. La confrontation des idées n’est pas l’affrontement ; elle permet de mettre à distance les réalités vécues, pour en penser la complexité. A priori, l’entreprise ne va pas de soi : «Je me situe sur une ligne de crête que beaucoup partagent, constate encore Martine Storti, même si on a du mal à se faire entendre».

En dialoguant vivement avec les participants, d’aucuns ayant pointé quelques éléments à éclairer, voire à réfuter, à propos d’assignation identitaire, de racisme antimusulman, de luttes féministes, de mobilisations populaires, de terrorisme, ou encore d’éducation, Martine Storti souligne à quel point le choix des mots, témoin de l’acuité des réflexions, a de l’importance pour refuser la simplification et la facilité, pour replacer les événements dans leur historicité, pour construire des idées qui ne se réduisent pas à l’affrontement caricatural de positions, quel que soit leur fondement idéologique ou politique. C’est ainsi que se construit la démocratie, hors du brouillage médiatique.

Le dernier chapitre de son ouvrage est à cet égard particulièrement positif en ce qu’il prône l’engagement de chacun et propose un autre programme : « cesser de ne voir que des entités, des masses, des identités en guerre les unes contre les autres, et jamais des personnes, jamais des singularités…, oser prononcer les mots anciens : Lumières, unité du genre humain, universel. La liberté, l’égalité, les droits, les émancipations ne sont pas occidentaux, ils ne séparent pas l’Occident d’un autre monde qui ne saurait les entendre. En Occident aussi, beaucoup y sont hélas sourds. Ailleurs, sont nombreux ceux, notamment de religion ou de culture musulmane, qui les adoptent, car il y va de l’humanité et de la dignité de leur existence, de l’idée qu’ils s’en font… Pas de murs, des ponts. Oui, des ponts pour ne pas abandonner ceux qui, amoureux de l’égalité, amoureux des droits, de la singularité, peuvent payer de leur vie cet amour. Dans cet universel pour notre monde, pour les temps présents, qui serait une dialectique entre le même et l’autre, l’émancipation des femmes est une question centrale. »
« La question des femmes et de ses enjeux géopolitiques », c’est précisément ce dont Martine Storti viendra nous parler lors d’une conférence de l’UTL, en janvier prochain.
Nous souhaitons bienvenue dans notre Café Littéraire à Lydie de la Librairie des Pertuis. Nous remercions l’équipe de la Médiathèque qui concourt fidèlement à la réussite de nos rencontres.

Compte-rendu du Café Littéraire du 7 juin 2016