J.M.G. Le Clézio

Aline présente Marina Salles, chercheure au CRHIA – Université de La Rochelle, auteure d’une thèse : Le Clézio Peintre de la vie moderne. La représentation du monde contemporain du Procès-verbal à Révolutions (2004). Marina Salles participe grandement à L’association des Lecteurs de J.M.G Le Clézio et à la revue Les Cahiers J.M.G. Le Clézio. Les « anciens » du Café Littéraire avaient eu le plaisir de l’écouter, en mai 2012, à propos de « Pierre Loti et Le Clézio, deux écrivains voyageurs ».

L’histoire d’une pomme de pin ou d’une rencontre auteur-lectrice

En 1963, Marina Salles a lu Le Procès-Verbal et n’a plus quitté Le Clézio, lauréat à 23 ans du prix Renaudot avec ce premier roman. Tant d’autres livres suivront jusqu’à Bitna, sous le ciel de Séoul (2018) ; tant de pages à lire et relire où l’imaginaire rejoint le vécu pour construire à petit bruit La Forêt des Paradoxes. Marina Salles nous propose une habile recension, chronologique et thématique, de ce pan de littérature que le Nobel a justement récompensé en 2008. L’œuvre de Le Clézio, romans, nouvelles, essais, articles divers, est foisonnante, elle explore le monde et les époques, elle fait écho à ses rencontres, ses passions, ses interrogations, aux pays habités ou traversés, et à ses engagements. Le lecteur attentif ou passionné saura en percevoir et l’unité et la diversité.

Le roman Alma (Gallimard, 2017)

Il s’agit d’un roman aux accents autobiographiques, comme Le Chercheur d’Or, ou L’Africain, ou encore Ritournelle de la Faim. Le Clézio dit avoir mis une trentaine d’années à l’écrire, mais avoir attendu que les vrais personnages soient morts pour « sortir les fantômes du placard ». Issu d’une famille bretonne émigrée à l’île Maurice au XVIIIe siècle, Le Clézio dit porter en lui la responsabilité collective des propriétaires blancs qui se sont enrichis avec l’esclavage.

Alma, c’est le nom de la propriété mauricienne des Felsen. Alma, c’est une ancienne plantation sucrière, aujourd’hui livrée aux activités touristiques. C’est de là que parlent les deux voix du roman : celle de Jérémie Felsen, venu sur la terre de ses ancêtres en quête de l’oiseau dodo ; celle de Dominique Felsen, dit Dodo, qui s’est envolé pour Paris, élu ambassadeur des clochards. Les deux voix se croisent d’un chapitre à l’autre, pour dire le passé, « quand la forêt couvrait les neuf dixièmes de l’île » et le présent d’un Mayaland commercial, pour dire l’injustice, l’indignation ou la résignation, pour dire l’histoire de l’île, celle des Mauriciens d’aujourd’hui, comme celle des esclaves d’hier, pour dénoncer « le sombre passé des planteurs », pour déplorer « la disparition » du dodo, des archives de l’esclavage et de « la culture des derniers survivants », pour « recoller les morceaux d’une histoire brisée ».

Le parcours de Jérémie, comme celui de Dodo, c’est sans doute celui de l’auteur, français et mauricien, qui peine à trouver racines, qui poursuit avec les mots sa quête des origines. Le Clézio, c’est l’écrivain de l’ailleurs, non pas celui d’un lointain exotique mais celui qui n’a pas de pays, qui affirme avec Dodo « tous les humains doivent partir un jour et marcher droit devant eux pour rencontrer ceux qu’ils ne connaissent pas » ; « les gens croient qu’ailleurs c’est différent, mais ailleurs c’est pareil, il y a des grands et des petits, il y a les importants et les présidents /…/ et les autres, les oubliés et les écrasés ». Alors, dans ce parcours initiatique à double sens, Le Clézio croque moult personnages, pittoresques ou réalistes, attendrissants ou pathétiques, désopilants ou rocambolesques… bref, des vrais gens.

Fin de séance : on a à peine le temps de lire quelques passages pour confirmer, si besoin était, combien la langue de Le Clézio nous séduit. On trouvera une fort belle analyse de ce roman sur le site Dictionnaire de JMG Le Clézio.

Nous remercions chaleureusement Marina Salles pour ce moment passé en compagnie de JMG Le Clézio, orfèvre en écriture, qu’elle fréquente avec constance et déguste sans modération.

Vœux

MMXX sera certainement une fort belle année de lectures, ne serait-ce que parce qu’elle nous offre un jour de plus, le jour bonus pour découvrir le dernier roman de X., le troisième volume de Y., le livre qu’on nous a prêté et ceux qui patientent sur la pile-de-livres-à-lire-absolument !

Agenda

Le 18 février 2020, nous évoquerons la grande auteure américaine Toni Morrison ; nous lirons Un Don (2009) et donnerons volontiers la parole aux lecteurs de Beloved, Sula ou Home

JMG Le Clézio, une rencontre avec Marina Salles – Café littéraire du 14 janvier 2020